« Si mon magazine peut éveiller quelques consciences, si, en le refermant, certaines femmes se posent des questions, c’est qu’il sert à quelque chose. » Murièle Roos, la fondatrice et éditrice de Femme Majuscule, un bimestriel créé en 2011 pour les femmes qui assument leur maturité (mais qui nous interpellent toutes), est engagée dans une forme de combat : faire reconnaître les femmes pour ce qu’elles sont : des personnalités vivantes, qui n’ont pas à rester jeunes pour que la société les considère et leur accorde une place. Rencontre sans tabous avec une femme passionnément libre.
Vous dénoncez une forme de jeunisme dans la société actuelle, qu’est-ce qui vous révolte le plus ?
Les femmes de plus de 50 ans représentent 50 % des femmes majeures et on fait comme si elles n’existaient pas. D’un point de vue social et sociétal j’entends : on n’admet pas qu’elles vieillissent ; on leur intime de rester toujours plus jeunes. C’est l’image qui leur est renvoyée à tout instant, en premier lieu dans la presse féminine. N’avez-vous jamais vu en Une de ces magazines, des photos de femmes de 45 ans, le ventre arrondi, fraîches et épanouies ? Quel message cela sous-entend-t-il ? « Regardez comme je suis jeune, je peux encore procréer ». Arrêtons de ne réduire la femme qu’à sa fonction reproductive, de ne la considérer que d’un point de vue génital (la mère d’abord, la grand-mère ensuite). On cherche à faire retarder la ménopause, mais ce n’est pas ça le problème ! Il faut donner aux femmes les moyens de s’approprier cette étape qui est une opportunité incroyable de faire (enfin, peut-être) ce qu’elles ont envie de faire. Au lieu de les faire rajeunir, aidons-les à appréhender l’avenir ! Paradoxalement, plus l’espérance de vie augmente, plus vous êtes vieux tôt.
J’imagine que votre regard est le même sur le monde du travail ?
Oui ! C’est valable dans le monde du travail aussi. Si vous n’avez pas un poste à responsabilité avant 35 ans, vous êtes mal partie … alors que c’est aussi entre 25 et 35 ans que la plupart des femmes font des enfants. Une fois débarrassées de leur charge mentale, les femmes sont jugées trop vieilles pour faire carrière… La société n’est pas adaptée au temps des femmes et la presse féminine n’aide en rien à faire bouger les lignes alors que son impact est considérable.
Faire bouger les lignes, est-ce ce que vous essayez de faire avec Femme Majuscule ?
Modestement, mais c’est très difficile … les enjeux des femmes sont trop souvent réduits au « plafond de verre ». Ce n’est pas une question à débattre entre soi dans les soirées parisiennes. C’est tellement plus que ça. Il faut s’intéresser aux inaudibles, aux invisibles. Il faut que la masse bouge. Mais beaucoup de femmes sont dans le déni et les femmes de pouvoir, dont on peut espérer qu’elles soient le porte-voix du plus grand nombre, adoptent souvent des comportements d’hommes.
Quel conseil donneriez-vous aux (nombreuses) femmes qui nous lisent ?
Qu’elles se rapprochent au mieux de ce qu’elles sont et qu’elles soient solidaires entre elles, tout le temps. Mises en compétition dès le plus jeune âge, elles ne les sont pas assez. Les hommes savent très bien s’allier pour obtenir quelque chose. Les femmes, elles, ne voient que les petites choses qui les séparent et non pas les grands sujets qui les rapprochent.
Mais au fait, pourquoi Femme Majuscule ?
Emprunt au latin, majuscule signifie « un peu plus grand ». En filigrane, je vous invite à lire : « je suis une Femme Majuscule, alors qu’on me parle autrement ».
Crédit photo : Audrey Saulem